Les cotisations n'apparaissent plus qu'une ressource assez marginale pour les confédérations syndicales. Cela s'explique par la chute du nombre de leurs adhérents mais aussi par l'importance prise par d'autres sources de financement : subventions publiques ou aides des entreprises.
Aucune organisation syndicale n’a jamais publié de comptes consolidés, c’est-à-dire un état des ressources (financières, matérielles, humaines) de l’ensemble de ses structures confédérées. Les raisons sont principalement techniques : chaque structure (syndicat, union territoriale, fédération, ...) est autonome, tant sur le plan juridique que financier. Le fédéralisme syndical empêche donc les trésoriers confédéraux eux-mêmes de disposer d’une vision d’ensemble des moyens disponibles aux différentes strates de leur organisation.
Mais ces raisons ne sont pas les seules. Faute d’une présentation complète des différentes sources de revenus mais aussi parce que les périmètres organisationnels sont variables, les budgets syndicaux peuvent difficilement être comparés entre eux malgré les publications - au moins partielles - auxquelles ils peuvent donner lieu, notamment lors des congrès. Il convient enfin de parler de rétention d’informations : toute enquête sur le sujet n’est pas bienvenue. Ainsi, FO n’a plus diffusé de données financières la concernant depuis son budget de 2002 (et sa trésorière n’a pas donné suite à nos demandes). Un regard sur la CGT et la CFDT illustre la difficulté à disposer d’informations claires - ou détaillées - sur les finances syndicales, malgré les efforts de transparence qui peuvent être effectués.
A l’automne 2007, l’affaire de l’UIMM a conduit la CGT et la CFDT à actualiser ou préciser leurs ressources par rapport aux données de congrès publiées jusque-là. En revanche, les autres organisations sont demeurées silencieuses sur le sujet, tout en dénonçant les soupçons de financement syndical par les organisations patronales. Les derniers chiffres publiés par la CFDT laissent voir une légère réduction de la part des cotisations (voir tableau 1). La part des cotisations recule même à 22 % des ressources dans l’hypothèse d’un périmètre confédéral comparable à celui de la CGT. Pour ce qui la concerne, la CGT fournit - comme la CFDT - un chiffre qui reflète en principe l’intégralité des cotisations, à tous les niveaux que ce soit de l’organisation (et non plus seulement au niveau confédéral). La CGT revendique en l’occurrence 74 268 000 euros de cotisations qu’il faut comparer aux 65 117 881 euros de cotisations encaissés par la CFDT - tous niveaux confondus - pour le même exercice 2006. Si la CFDT publie ce type de données comptables depuis plusieurs exercices, la CGT paraît s’être davantage livrée à une estimation qu’à une réelle opération comptable. Les modalités de calcul en témoignent. La CGT a repris en l’occurrence ses effectifs déclarés et les a multiplié par un nombre moyen de timbres affecté d’un prix de cotisation également moyen. Ainsi, la CGT, qui n’avait pas été en mesure de publier le nombre des syndiqués par fédération lors de son congrès de 2006, reprend une simple estimation de ses effectifs pour déterminer le montant global des cotisations perçues. On notera au passage que cette estimation est légèrement inférieure à celle citée - concernant l’exercice 2003 - dans le rapport Hadas-Lebel (75 millions d’euros) alors que, selon les déclarations faites au congrès de Lille en 2006, la CGT aurait gagné des adhérents. Or, les données comptables, qui sont affichées, plaident plutôt - et au mieux - pour une stagnation. En sens inverse, la CFDT qui, à travers son Service central de prélèvement et de ventilation des cotisations (SCPVC) dispose d’un service de trésorerie plus solide, déduit son nombre d’adhérents de celui des cotisations. Elle procède par tradition à une division par 8 du nombre de timbres mensuels payés chaque année au SCPVC pour estimer ses effectifs, ce qui est également sujet à discussion (compte tenu de la quasi-généralisation du prélèvement automatique des cotisations sur les comptes bancaires des adhérents, lequel fonctionne 12 mois sur 12).
Tableau 1 : Le budget confédéral de la CFDT en 2006 (source CFDT)
Si l’on dispose d’un chiffrage - réel ou estimé - de la totalité des cotisations encaissées par les deux principales centrales syndicales françaises, tel n’est pas le cas de leurs autres ressources. La CFDT se borne toujours à ne fournir que des informations pour le niveau confédéral. Mais la CGT s’efforce de donner des indications sur d’autres postes, certains estimés, d’autres plus effectifs. Pour autant, le tableau proposé n’est manifestement pas exhaustif (voir tableau 2). Il manque notamment les subventions des collectivités territoriales. Il n’existe aucune totalisation de ces dernières. Ainsi, sur le sujet, le rapport Hadas-Lebel se borne à ne donner que quelques exemples mais il apparaît vite que des sommes considérables sont en jeu : ainsi, la région Ile-de-France a versé un million d’euros aux syndicats en 2004. Il conviendrait également de tenir compte d’aides en nature de la part des mêmes collectivités (hébergement gratuit d’organisations syndicales, voire prise en charge de tout ou partie des dépenses en électricité, chauffage, téléphone, subventions à l’organisation des congrès...).
Les aides des entreprises - consécutifs à des accords sur le « droit syndical » dûment négociés entre partenaires sociaux - sont également ignorées. Il s’agit ici d’aides officielles et non pas des fonds occultes comme ceux de l’UIMM. Ces aides sont versées, aux syndicats mais aussi à certaines fédérations, dans le cadre d’accords sur le « droit syndical » au niveau des établissements ou des entreprises. On sait que, sur les quelque 25 000 accords enregistrés par l’administration en 2006, environ 10 % contiennent de telles clauses sans en connaître le contenu précis. Plusieurs entreprises comme AXA, Safran, Groupama-Gan, EADS, Crédit Lyonnais, Renault, France-Télécom prévoient des aides de ce genre. Aux crédits d’heures plus généreux que les minima légaux viennent s’ajouter des dotations - en partie fixe et en partie calculée au prorata des audiences aux élections professionnelles - qui sont accordées officiellement pour compenser les frais occasionnés par la négociation collective. Naturellement, rien n’empêche les syndicats bénéficiaires de « recycler » ces sommes, en tout ou partie, en cotisations plutôt que d’avouer ces subventions.
Tableau 2 : Le budget consolidé de la CGT en 2006 (source CGT)
Enfin, la question des salariés « mis à disposition » est loin d’être élucidée : or il s’agit probablement - en termes financiers - de la ressource la plus importante du syndicalisme. Il en va de même d’autres financements qui font régulièrement polémique : fonds de la formation professionnelle, activités d’expertise des syndicats à travers des cabinets spécialisés du type Syndex (pour la CFDT) ou Secafi-Alfa (pour la CGT), moyens des comités d’entreprise (dont le budget de la CGT ci-dessus admet toucher des « remboursements »), fonds de la mutualité (dont la CGT admet aussi toucher certains dividendes)...
Le numéro 33 de la revue Histoire et Liberté, édité par l’Institut d’histoire sociale, publie un dossier consacré à « l’indispensable mutation du syndicalisme français », avec les articles suivants :
Les 1er mai ne chantent pluspar Bernard Vivier
Le financement clair-obscur du syndicalisme françaispar Dominique Andolfatto et Dominique Labbé
Champ syndical, champ social et champ écologiquepar Philippe Darantière
Vote politique et sensibilité syndicalepar un collectif d’auteurs
Les courants gauchistes et le syndicalismepar Thierry Choffat
Que reste-t-il de la FSM ?par Pierre Rigoulot
Il est possible de commander ce numéro (13,- €) ou de s’abonner à la revue (4 numéros par an 40,- €).
Site internet :http://www.souvarine.fr/
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