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  • Photo du rédacteurBernard Vivier

Nice : la première " Euro-manif "

Le 6 décembre, 60.000 à 80.000 syndicalistes venus de toute l'Europe sont venus manifester à Nice, à la veille de la réunion des chefs d'État. C'est une étape dans la construction de l'Europe syndicale.


Depuis l’affaire de Renault-Vilvorde, l’actualité sociale est régulièrement nourrie de rencontres, de coopérations ou de grèves menées entre syndicats de différents pays européens.

Mais la manifestation organisée à Nice le 6 décembre peut être considérée comme une première. Peut-être même comme le point de départ d’une dynamique syndicale européenne nouvelle, qui va faire sentir ses effets sur le syndicalisme français.


Ce jour là, entre 60.000 et 80.000 manifestants ont répondu à l’appel de la Confédération européenne des syndicats, la CES, pour attirer l’attention des chefs d’État réunis en sommet sur l’importance de la dimension sociale de la construction européenne.


Si plus des quatre cinquièmes des manifestants étaient Français, les délégations des autres pays européens ont été bien garnies. La CES, longtemps considérée comme une " ONU syndicale " sans véritable force d’action propre, commence à émerger comme une plate-forme d’initiatives militantes, de manifestations communes, d’actions concrètes. La figure d’Émilio GABAGLIO, son secrétaire général, émerge dans l’opinion publique française.


C’est probablement sur le syndicalisme français que cette manifestation aura eu le plus d’impact. Les leçons sont claires :

  • la CGT a parfaitement réussi son ancrage dans le syndicalisme européen. En apportant à cette " Euro-manif " près de la moitié de ses manifestants, l’organisation de Bernard Thibault s’est affirmée au sein de la CES ;

  • cette affirmation numérique constitue aussi, pour la CGT, une étape doctrinale. Certes, la CGT a su habilement manier un double langage d’adhésion à l’Europe et de rejet de l’économie libérale (pourra-t’elle durablement accepter l’Europe et en rejeter les principes de fonctionnement ?). Mais le fait est là : en sortant de son isolement anti-européen, la CGT fait un pas de plus vers un " recentrage ", une " resyndicalisation " de ses positions ;

  • la CFDT voit ici émerger un concurrent sérieux sur le thème de la construction européenne, jusqu’alors un de ses points forts. La CFDT dispose, comparée à la CGT, d’une bonne longueur d’avance : réseaux relationnels puissants, connexions inter-syndicales, ancrages dans les entreprises (comités d’entreprise européens, par exemple), propositions élaborées. Mais rien ne dit que l’écart va demeurer avec la CGT. Cette dernière est capable, pour rattraper le temps perdu, de " mettre les bouchées doubles ", avec le sérieux et la méthode qui la caractérisent.

  • Force ouvrière, peu impliquée dans la préparation de cette manifestation, continue à développer sa stratégie de l’isolement. Une stratégie qui mise sur les réflexes conservateurs et, par là même, quelque peu anti-européens du monde des salariés. Pour l’heure, cette stratégie - statique et non pas dynamique - ne semble guère lui être profitable ;

  • l’UNSA, qui s’est mobilisée avec énergie, et la FSU ont voulu démontrer, par leur présence, que leur requête en représentativité est bien fondée sur une réalité militante. Il est vrai que, comparés à ceux de la CFTC ou de la CGC, leurs effectifs faisaient bonne allure au sein du défilé intersyndical ;

  • les " nouveaux mouvement sociaux ", par leurs provocations, débordements, violences et " actions-média ", se sont imposés un peu plus comme un nouveau type d’acteur social. Au carrefour du politique, du syndical et de l’associatif, ces nouveaux mouvements sociaux agissent avec dextérité sur les média. Ils occupent les terrains mal exploités par les appareils traditionnels, lesquels fonctionnent davantage en cohorte qu’en réseau.

Les gouvernements comme les entreprises sont ici directement interpellés par cette force sociale à la fois multiforme dans ses expressions et cohérente dans son programme, celui du rejet de l’économie de marché. Héritiers de la 1ère, de la 3ème et de la 4ème Internationale, fils spirituels de Bakounine, de Marx et de Trotsky, ils furent nombreux, à l’instar de José Bové, Bernard Cassen ou Alain Krivine à se mobiliser hors des sentiers syndicaux habituels.


En exprimant une présence massive à Nice le 6 décembre, le syndicalisme européen a aussi fait bouger l’échiquier syndical français.

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