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Pages retrouvées : la paresse et les poètes d'antan

La période estivale est synonyme de repos, de vacances, de loisirs, de voyages, même si, encore aujourd'hui, une part importante des Français ne partent pas en vacances. Du loisir et du repos à l'oisiveté et à la paresse, la frontière n'est pas toujours loin, que certains auteurs nous encouragent à franchir. Oh !


La RTT - entendons la réduction du temps de travail - a connu ces dernières décennies une accélération importante. Le temps libre, le temps non travaillé, occupe désormais une place significative dans notre vie. Sur une vie entière, nous ne travaillons plus guère que 12 % du temps total de notre vie éveillée. Quatre fois moins qu’il y a deux siècles. Ce temps libre peut être utilisé à diverses activités, pour soi ou pour les autres : activités associatives, familiales, temps de formation, loisir, repos.


Le temps libre n’est pas obligatoirement synonyme d’oisiveté ou de paresse, qui ont toujours mauvaise presse.


De nombreux auteurs se sont pourtant livrés à l’éloge de la paresse. En cette période estivale, remontons les siècles avec quelques-uns de ces auteurs et laissons-nous aller à leur rencontre. Ah ! Qu’il est doux de ne rien faire...

Le paresseux

par Marc-Antoine de Saint-Amant (1594 - 1661)

Accablé de paresse et de mélancolie, Je rêve dans un lit où je suis fagoté, Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté, Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

Là, sans me soucier des guerres d’Italie, Du comte Palatin, ni de la royauté, Je consacre un bel hymne à cette oisiveté Où mon âme en langueur est comme ensevelie.

Je trouve ce plaisir si doux et si charmant, Que je crois que les biens me viendront en dormant, Puisque je vois déjà s’en enfler ma bedaine,

Et hais tant le travail que, les yeux entrouverts, Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine Ai-je pu me résoudre à t’écrire ces vers.



Ode sur la Paresse

par La Fare (1644 - 1712)

Je chante tes bienfaits, favorable Paresse, Toi seule dans mon cœur as rétabli la paix ; C’est par toi que j’espère une heureuse vieillesse, Tu vas me devenir plus chère que jamais.

Ah ! de combien d’erreurs et de fausses idées Détrompes-tu celui qui s’abandonne à toi ! De l’amour du repos les âmes possédées Ne peuvent reconnaître et suivre une autre loi.

Tu fais régner le calme au milieu de l’orage, Tu mets un juste frein aux plus folles ardeurs ; Tu peux même élever le plus ferme courage Par le digne mépris que tu fais des grandeurs.

De la tranquillité compagne inséparable, Paresse, nécessaire au bonheur des mortels, Le besoin que l’Europe a d’un repos durable Te devrait attirer un temple et des autels.

Ami, dont le cœur haut, les talents, l’espérance, Le don d’imaginer avec facilité, Pourraient encor, malgré ta propre expérience, Rallumer les désirs et la vivacité, Laisse-toi gouverner par cette enchanteresse Qui seule peut du cœur calmer l’émotion ; Et préfère, crois-moi, les dons de la Paresse Aux offres d’une vaine et folle ambition.

Epître sur la paresse

par le Cardinal de Bernis (1715 - 1794)

Censeur de ma chère paresse, Pourquoi viens-tu me réveiller Au sein de l’aimable mollesse Où j’aime tant à sommeiller ? Laisse-moi, philosophe austère, Goûter voluptueusement Le doux plaisir de ne rien faire Et de penser tranquillement.

Paresse

par Louis de Fontanes (1757 - 1821), qui fut le Grand Maître de l’Université napoléonienne.

Au bout de mon humble domaine, Six tilleuls au front arrondi Dominant le cours de la Seine, Balancent une ombre incertaine Qui me cache aux feux du midi.

Sans affaire et sans esclavage, Souvent j’y goûte un doux repos ; Désoccupé comme un sauvage Qu’amuse auprès d’un beau rivage Le flot qui suit toujours les flots.

Ici, la rêveuse Paresse S’assied, les yeux demi-fermés, Et, sous sa main qui me caresse, Une langueur enchanteresse Tient mes sens vaincus et charmés.

Des feuillets d’Ovide et d’Horace Flottent épars sur mes genoux ; Je lis, je dors, tout soin s’efface, Je ne fais rien et le jour passe ; Cet emploi des jours est si doux !

Tandis que d’une paix profonde Je goûte ainsi la volupté, Des rimeurs dont le siècle abonde La muse toujours plus féconde Insulte à ma stérilité.

Je perds mon temps, s’il faut les croire ; Eux seuls du siècle sont l’honneur. J’y consens ; qu’ils gardent leur gloire ; Je perds bien peu pour ma mémoire, Je gagne tout pour mon bonheur.



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