A la recherche d'un nouveau modèle de développement, les ONG investissent des modes et des champs d'actions sur lesquels les syndicats tardent à se mobiliser. L'image et la notoriété des ONG s'en trouvent renforcées, leurs capacités de mobilisation aussi.
La logique de mise en œuvre du développement durable est transversale à l’entreprise, quel que soit son domaine d’activité. Elle repose sur trois piliers : environnement, social, économie. Dans cette même logique holistique, le mandat des ONG s’étend dans le sens d’une prise en compte plus globale des questions qui étaient jusqu’alors leur cœur de métier. Alors même que certains observateurs reprochent au monde syndical sa trop lente évolution vers l’intégration des nouveaux enjeux de société, les ONG investissent des domaines d’action qui recoupent les thèmes traditionnels de mobilisation des syndicats : emploi et délocalisation, responsabilité juridique des entreprises transnationales et droits humains, qualité hygiène sécurité environnement. Mais également les questions d’éthique et de transparence financière, discrimination positive et intégration dans la vie sociale, niveau de vie et répartition des bénéfices, relations avec les fournisseurs, consommation équitable... Le champ d’action de ces organisations a évolué, faisant apparaître des périmètres de revendications communs entre ONG et syndicats, même si leurs avis divergent sur le fond.
De plus, les ONG évoluent vers une logique de dialogue tant en direction des entreprises que des syndicats. Elles inventent au cas par cas les modalités du rapprochement avec l’entreprise (accompagnement-conseil, mécénat de compétence/solidarité, partenariat ponctuel de longue durée, audit social...) ainsi que les modalités d’interpellation.
L’intérêt des unes (besoin financier) et l’intérêt des autres (l’image) favorisent un rapprochement sur la base d’intérêts partagés pour envisager une relation gagnant/gagnant. Certaines ONG entrent de ce fait dans une logique de proposition à la recherche d’alternatives, dépassant le stade de la simple dénonciation idéologique. L’objectif n’est pas une conversion réciproque, mais la création d’un cadre de convergence, d’une grille de lecture des enjeux sociétaux sur lesquels l’entreprise peut avoir un impact positif. Ces organisations sont également vectrices d’information et de sensibilisation des entreprises aux questions de développement durable.
- Une capacité à mobiliser autour d’enjeux fédérateurs -
Enfin, les ONG bousculent les organisations syndicales traditionnelles par leur capacité à séduire des publics ouverts à l’engagement et au militarisme. Dans quelle structure militante un jeune serait-il tenté de s’impliquer aujourd’hui, parti politique, syndicat ou ONG ? Bien que les finalités de ces structures - toutes de statut association loi 1901- soient différentes, il y a de fortes chances pour que le capital-sympathie aille en priorité vers l’ONG. L’image des ONG est forte est positive : un sens porté par des valeurs de solidarité et d’action collective (versus individualisme), alternative à l’économie libérale avec les balbutiements d’une économie équitable et sociale, proposition (par opposition à confrontation et immobilisme), proximité et pragmatisme (versus théorie spéculative).
Finalement, les ONG attirent aussi bien par la démarche proposée que par la cause défendue, dans laquelle le public reconnaît un projet de société.
- Un effort de communication ciblée -
L’argumentaire de sensibilisation et de communication est construit autour des préoccupations quotidiennes des particuliers et adapté selon les générations. La jeunesse est de plus en plus souvent sensibilisée dès sa scolarité sur ces questions. Le développement rapide des formations spécialisées sur les questions humanitaires confirme l’attrait des jeunes professionnels pour ce type d’engagement. Les seniors sont interpellés sur l’état de la planète qu’ils laissent à leurs petits-enfants. Le consommateur est interpellé sur la qualité des produits qu’il consomme et le citoyen sur ses choix politiques par ce qu‘ ils peuvent avoir une incidence sur les décisions politiques.
Par opposition aux syndicats qui militent pour les droits d’un public salarié, la plupart des ONG militent pour un public beaucoup plus large. Les ONG ont appris à interpeller le grand public, quelle que soit la casquette qu’il porte : consommateur, citoyen, enfant, adulte... Et une représentation « consommateur/citoyen » semble s’imposer face à une représentation « salarié/citoyen »
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- Image et notoriété -
Les ONG bénéficient de ce fait d’une image globale plutôt positive - bien que la question du financement de certaines ONG ait semé une méfiance certaine dans l’esprit des donateurs - alors même que les syndicats français souffrent d’un déficit d’image réel, en particulier auprès des jeunes.
Une étude réalisée pour la Fondation de France sur l’impact de l’accumulation des catastrophes sur l’état d’esprit des Français par rapport à la générosité est éclairante. Certains donateurs réguliers souhaitent voir "les ONG revitaliser le potentiel positif de la mondialisation et les valeurs identifiées comme dégradées dans le monde actuel, telles que l’échange, le partage, l’ouverture, l’égalité, la justice, l’espoir, la liberté, les droits de l’homme, le progrès (...). Ce modèle potentiel [ne doit pas être] considéré comme une solution de repositionnement des ONG (...) car le rôle des ONG serait excessif, surdimensionné et risquerait la paralysie et la conflictualité, mais en revanche, ce modèle doit être considéré comme un symptôme" (IFOP,Portrait de la générosité en France, Observatoire de la Fondation de France, septembre 2006).
Dans la théorie des parties prenantes, ONG et syndicats prennent place côte à côte dans une logique d’interaction avec l’entreprise. Aujourd’hui, l’entente ONG/syndicats semble prendre ses marques le temps de campagnes d’opinion telles que pour le programme européen REACH qui a vu une mobilisation CGT/Greenpeace, ou encore le temps d’une campagne présidentielle avec l’initiative de notation du programme environnemental des candidats (www.lalliance.fr) qui rassemble des ONG et des syndicats pour ne citer que ces deux exemples. Mais alors que les ONG ont choisi d’utiliser les travers de la mondialisation et de s’inscrire ainsi au cœur des débats et alors même que leur vocation première les tenait loin de l’entreprise, plus rares semblent les syndicats (CGT, CFDT) ayant réellement pris la mesure des enjeux de société que contient la notion de développement durable.
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