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Photo du rédacteurBernard Vivier

Qui dirige la CGT ?

Mercredi 7 janvier, au deuxième jour de la réunion de la commission exécutive (CE) de la CGT, Thierry LEPAON a annoncé sa démission de secrétaire général de la confédération. C’est le 13 janvier que le comité confédéral national (CCN) procéde à l’élection d’un nouveau secrétaire général et d’un nouveau bureau confédéral.


Bureau confédéral (BC), commission exécutive (CE), comité confédéral national (CCN) : les structures de la CGT ne sont pas toujours faciles à situer. Quand des qualificatifs leur sont attribués (« parlement de la centrale » ou « gouvernement de la CGT ») pour tenter de leur donner des missions et des rôles plus évocateurs, la confusion grandit tant ces qualificatifs sont souvent utilisés à contre-sens des réalités.


Pour s’y retrouver, dressons ici, statuts de la CGT sous les yeux et crayon en main, le schéma des structures de décision au sein de la CGT.



Si les adhérents se regroupent dans des syndicats, (organisations de base de la CGT), ces derniers se retrouvent à leur tour dans des structures coordonnant l’action professionnelle (les fédérations) et l’action territoriale (les unions locales, les unions départementales, les comités régionaux).


La CGT revendique aujourd’hui 18 270 syndicats de base. C’est un nombre élevé, comparé à d’autres confédérations (la CFDT, par exemple, en revendiquait 1 091 à l’approche de son dernier congrès en juin 2014). En fait, la taille de ces syndicats de base est très variable et, en moyenne, nettement inférieure à celle de la CFDT. En revanche, leur nombre diminue (la CGT en revendiquait 24 154 en 2009, à son 49ème congrès).

- 29 fédérations -

Les fédérations assurent au niveau national la gestion des questions liées à la branche professionnelle des syndicats : informations et formations professionnelles, assistance technique des syndicats, fourniture d’expertise, représentation auprès des pouvoirs publics, négociations de branche, contacts avec des institutions nationales et internationales du secteur professionnel concerné. La CGT compte aujourd’hui très précisément 29 fédérations. 29 et non pas 30 ou 32 ou 33, comme on le lit souvent (y compris à ce jour encore sur le site internet de la CGT !). Ces fédérations sont les suivantes :



Aux 28 fédérations au sens strict du terme, il faut ajouter l’Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF), en tant que représentante de syndicats de la Fonction publique de l’Etat qui n’ont pas de fédération de rattachement. C’est le cas, par exemple, des syndiqués de la pénitentiaire ou de l’inspection du travail, soit quelque 8 000 syndiqués.



Il existe, par ailleurs, des unions de fédérations, comme l’Union interfédérale des transports, qui regroupe les cheminots, les marins, les transports et l’équipement, de même que le Comité national de lutte et de défense des chômeurs ou l’Union confédérale des retraités (UCR), dans lesquels les syndicats ne sont pas directement affiliés. L’Union générale des ingénieurs et cadres et techniciens (UGICT) et ses homologues dans chaque fédération (UFICT) ne sont pas davantage des fédérations mais des structures transversales qui ont pour but de représenter des intérêts communs à une catégorie de syndiqués, quelle que soit leur appartenance à un syndicat de base. Les salariés de l’intérim ne composent pas, pour leur part, une fédération distincte.



Thierry Lepaon

Le nombre de fédérations de la CGT (29 aujourd’hui) est proche de celui observé à Force ouvrière (33). Il est, en revanche, du double de celui recensé à la CFDT (15) ou à la CFTC (14). Ces deux organisations ont procédé au cours de la décennie 1990, à de nombreux regroupements de fédérations. Ces regroupements ne se sont pas fait sans douleur, tant les cultures et les intérêts catégoriels des milieux professionnels concernés pouvaient être différents, voire opposés. Exemple : la réunion en une seule structure fédérale des chimistes et des électriciens, opération qui fut difficile à mener à son terme à la CFDT. Autre exemple : la réorganisation des fédérations CFTC (celle du commerce - FECTAM - notamment), qui fut en grande partie à l’origine d’une contestation de l’équipe dirigeante de la confédération à la fin des années 1990.

A la CGT comme à FO, ces regroupements professionnels ne sont pas encore faits, sinon de façon ponctuelle ou par nécessité (exemple : les mineurs, qui n’ont plus d’actifs en France).


Ainsi, à la CGT, on observe l’existence de 3 fédérations distinctes pour les ports et les docks, les marins et les officiers de la marine marchande. Ou encore de 2 fédérations l’une, très importante, pour le commerce - distribution - services et l’autre, plus modeste, pour les sociétés d’études, de conseil et de prévention.

- 96 unions départementales -

Les syndicats de base se regroupent aussi sur une logique territoriale, pour assurer la représentation de la CGT dans les localités, les départements et les régions. L’entraide inter-professionnelle est ici réalisée : formation, appui aux conflits d’entreprise, organisation des manifestations, suivi des institutions sociales locales (conseils de prud’hommes, caisses de sécurité sociale, etc), représentation auprès des mairies, conseils généraux et régionaux, contacts avec les associations locales, etc.


A la CGT, les unions départementales sont le lieu privilégié du regroupement des syndicats de base (à la CFDT, ce sont les unions régionales). La CGT en compte 96 et non pas une centaine comme à FO, à la CFDT, à la CFTC ou à la CFE-CGC. La raison se trouve dans l’indépendance juridique que la CGT a souhaité installer entre la confédération et les unions départementales outre-mer. Cette indépendance juridique est ancienne. Elle remonte au temps où, en application de la lecture anti-colonialiste que lui fournissait le mouvement communiste mondial, la CGT souhaitait préfigurer la libération de ces territoires de la domination française, en les dotant de structures syndicales déjà indépendantes du dispositif métropolitain.



50ème congrès de la CGT, mars 2013

Cette lecture se heurte aujourd’hui aux nouvelles règles de la représentativité syndicale (loi du 20 août 2008), qui conduit en certains territoires outre-mer à voir la représentativité CGT être contestée devant les tribunaux (à La Réunion, par exemple). Un aménagement de la relation CGT avec ses implantations outre-mer devient aujourd’hui nécessaire.

- 857 unions locales -

Les unions départementales peuvent, à leur initiative, créer des unions locales. En 2009, la CGT en comptait 870. Elle en dénombre aujourd’hui 857, dont 700 environ affichent une activité significative.


Ce maillage du territoire français est une des raisons de la force de la CGT, de sa capacité à créer un environnement militant des lieux de travail, de sa réactivité aux évènements.


Aucune autre confédération ne dispose d’une telle capacité de quadrillage militant.

- 21 comités régionaux -

Les unions départementales se regroupent à leur tour dans des structures régionales : les comités régionaux. La CGT en compte 21, alors que le nombre de régions administratives est, en France, à ce jour de 22. En effet, à la CGT, la Basse Normandie et la Haute-Normandie ne forment qu’un seul comité régional, dont Thierry Lepaon était jusqu’en mars 2013, le secrétaire général (il a souvent été présenté, à tort, comme le secrétaire général de la Basse Normandie alors que ses responsabilités lui faisaient parcourir un chemin du Mont Saint-Michel dans la Manche au Tréport, en Seine-Maritime).


La fusion en cours des régions administratives conduira inévitablement et dans un avenir proche, à une réorganisation et à une réduction du nombre de comités régionaux CGT.


Ces comités ont essentiellement un rôle de représentation auprès des conseils régionaux et des institutions régionales (CESER par exemple).


Rappelons-le : comme à Force ouvrière (et à la différence de la CFTC et de la CFDT), ce sont les unions départementales qui disposent du pouvoir de décider de l’action syndicale dans les territoires. Ce sont elles qui, de ce fait, envoient des représentants - avec pouvoir de décision - dans des instances dirigeantes de la confédération.


Il est plaisant et en même temps significatif de rappeler que, jadis, les secrétaires généraux des unions départementales étaient qualifiés de « préfets de la CGT ». Cette appellation - non officielle - soulignait le rôle d’organisation et le pouvoir des intéressés.

- 50 congrès depuis 1895 -

Au niveau national, le congrès confédéral est défini comme l’instance souveraine de la CGT. Il se réunit tous les trois ans. Le premier congrès de la CGT s’est tenu à Limoges en 1895. Le 50ème congrès s’est tenu à Toulouse en mars 2013 ; le 51ème est donc prévu au printemps 2016.



L’affiche du 14ème congrès de la CGT, en 1919, présentait l’organisation confédérale, telle qu’on la connaît : syndicats-fédérations- unions départementales-confédération


Environ 1 000 délégués y participent (900 actifs et 100 retraités), envoyés par les syndicats de base.

Dans la réalité, le choix des délégués est suivi avec beaucoup d’attention par les fédérations et les unions départementales, lesquelles sont, en fait, le véritable centre de décision de la CGT.

- Le CCN -

La réunion des secrétaires généraux (ou de leur représentants) des fédérations (29) et des unions départementales (96), soit 125 personnes, donne naissance au comité confédéral national (CCN), qui est complété par un certain nombre de membres ayant voix consultative (89 en ce moment).


Le CCN est, disent les statuts, l’instance souveraine entre deux congrès. C’est lui qui convoque les congrès, ordinaires ou extraordinaires. C’est lui qui contrôle l’activité des instances de direction opérationnelle de la CGT. C’est lui qui, par voie de conséquence, nomme - et démet si besoin - le secrétaire général et les autres membres du bureau confédéral.


Le CCN se réunit en séance ordinaire trois fois par an, généralement en février, mai et novembre.

L’actualité brulante de la CGT aura conduit à sa réunion en séance extraordinaire le 13 janvier 2015, avant la réunion ordinaire prévue les 4 et 5 février 2015.

- La CEC -

Une autre instance confédérale se réunit de façon beaucoup plus fréquente : la commission exécutive confédérale (CEC).


Elus par les syndicats réunis en congrès confédéral (mais sur une liste déterminée par le CCN), les membres de la CEC assurent la direction de la CGT. La CEC se réunit au moins une fois par mois et, dans les faits aujourd’hui, tous les quinze jours. La CEC est, depuis 2003, composée pour moitié par des hommes et pour moitié par des femmes, au total 56 personnes aujourd’hui.

- Le Bureau confédéral -

C’est au sein de la commission exécutive que sont choisis les membres du Bureau confédéral, lequel est, davantage que la CEC, le véritable « exécutif » de la CGT.


Ses membres (à parité hommes / femmes depuis 2003) étaient au nombre de 10 depuis le 51ème congrès, en mars 2013 : un secrétaire général, un administrateur (= trésorier) et huit dirigeants qui portent le titre de secrétaires confédéraux. Le BC se réunit chaque semaine.

- La CFC -

Complétant le dispositif, il faut aussi noter l’existence d’une commission financière et de contrôle (CFC) de 7 membres, qui assure une mission d’évaluation et de contrôle financier : état des effectifs, rentrée des cotisations, conformité des dépenses, vote des budgets. La CFC se réunit au minimum quatre fois par an.

- Le CCN : le vrai pouvoir -

Les statuts et la pratique convergent : c’est le CCN qui exerce le vrai pouvoir au sein de la CGT. Il n’est pas, comme on le présente parfois, une sorte de « parlement » chargé de voter des lois que lui aurait demandé d’examiner un « gouvernement ». Il n’est pas composé de militants élus par le congrès mais de militants désignés par les fédérations et les unions départementales.


Si les membres du Bureau confédéral sont choisis parmi les membres de la CE, ce n’est pas cette dernière qui les nomme. Elle ne fait que les proposer. La désignation et la révocation du secrétaire général de la CGT (et des autres membres du Bureau confédéral) sont de la compétence du CCN. Le Bureau confédéral et la CEC sont contrôlés et rendent compte au CCN.


Ce pouvoir du CCN s’exerce aussi vers les structures syndicales de terrain, vers les 18 270 syndicats de base de la CGT dont l’activité se trouve coordonnée par les membres du CCN, soit au titre des fédérations soit au titre des unions départementales.


En 2009, Bernard Thibault avait tenté de donner un rôle plus grand à la commission exécutive et de réduire, par contre-coup, le rôle du CCN. Il avait envisagé de ramener le Bureau confédéral à sa plus simple expression (2 ou 3 personnes) pour donner à la CEC un rôle actif. En vain. Le CCN a toujours gardé ses prérogatives. La CEC s’est montrée souvent plus compréhensive à l’égard de Bernard Thibault puis de Thierry Lepaon. Les débats actuels illustrent la prééminence du CCN sur toute autre instance de la CGT. Disons-le à nouveau : le vrai pouvoir, c’est le CCN.



50ème congrès de la CGT, mars 2013

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