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Photo du rédacteurBernard Vivier

Un 1er mai en retraite

Faible mobilisation à l'occasion du 1er mai et divisions syndicales : le gouvernement a-t-il les mains libres pour lancer sa réforme des retraites ? Rien n'est moins sûr. La concertation vaut mieux que le rapport de forces. C'est une question d'efficacité. C'est aussi une question de conception même des rapports sociaux.


Le 1er mai 2010 a déjà disparu de nos mémoires. Par delà la bataille de chiffres sur le nombre de manifestants (350 000 sur toute la France selon la CGT, 195 000 selon la police). on retiendra la faible mobilisation et la dispersion syndicale.


Force ouvrière a organisé ses propres manifestations, la CFTC aussi, tandis que la CFE-CGC (tradition pour elle, à de rares exceptions près) n’appelait pas à défiler. Les manifestations « unitaires » ont rassemblé CGT, CFDT, UNSA, FSU et Solidaires. Le principal défilé, à Paris, était essentiellement l’affaire de la CGT, les autres organisations, placées en tête de cortège et ainsi valorisées, servant à peine plus que de forces d’appoint. Par contre-coup, la présence d’organisations politiques et d’associations prenait une certaine importance, sur les mots d’ordre radicaux de l’ultra-gauche plus que sur ceux d’un Parti socialiste en renouvellement de programme. Les préoccupations syndicales étaient centrées sur « l’emploi, les conditions de travail, le pouvoir d’achat et l’avenir des retraites ». Difficile de faire plus classique. Bien évidemment, c’est le thème des retraites qui cristallisait l’essentiel des inquiétudes.



Le 1er mai 2010 à Paris

Entre comprendre et accepter, il faut du temps

Si les Français comprennent, bien davantage que par le passé, la nécessité d’une réforme des retraites ainsi que les lois de l’économie et de la démographie qui la commandent, ils ne sont pas encore prêts à l’accepter. Deux raisons à cela : la première tient à la nature même de notre culture sociale française. Si prompts à espérer le changement, la révolution ou la rupture (l’actuel Président de la République a été porté au pouvoir sur la gestion dynamique de ce mot), nos concitoyens sont, dans le même temps (étrangeté française) terriblement conservateurs, attachés aux statuts et aux avantages acquis.

Une réforme n’est donc pas seulement affaire de logique, de raisonnement, de négociation. Elle est aussi accoutumance à une problématique nouvelle, patience, appropriation du principe plus que des modalités de la réforme. Entre comprendre et accepter une réforme, il faut du temps. Le dossier des retraites, depuis plus de vingt ans, en est une superbe illustration.



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Pas d’affichage du projet gouvernemental

La seconde raison à la difficulté, pour les Français, d’accepter une réforme des retraites tient à la complexité du dossier et à l’absence d’affichage du projet gouvernemental.


Ce dossier est très technique et, dans les rangs syndicaux, politiques et gouvernementaux, affaire de spécialistes plus que de militants. Les états-majors sont à l’exercice plus que les troupes à la manœuvre. L’exigence est simple : il n’y aura bientôt plus d’argent dans les caisses d’un système de retraites par répartition. L’accord est unanime pour conserver ce système par répartition et les parties prenantes au débat convergent peu ou prou par delà les affichages médiatiques et les postures militantes, sur le sens général des actions à entreprendre.

Puisque l’on ne peut pas trop augmenter les cotisations des actifs (compétitivité oblige), ni réduire le montant des pensions versées (les limites sont évidentes, tant sur le plan de la justice sociale que sur celui de la prudence politique et électorale), c’est sur la troisième piste que l’on peut agir : travailler plus longtemps (élever l’âge de départ en retraite et/ou augmenter la durée de cotisations). La piste consistant à « faire payer les riches » (en prélevant des ressources sur les profits des entreprises par exemple) est démagogique certes, mais inefficace : Monsieur de la Palisse dirait à ce sujet que lorsqu’il n’y aura plus de riches, il n’y aura que des pauvres...



Le même slogan relayé par SUD

Pour quelques jours encore, le gouvernement retient l’affichage de son projet de réforme. Quelques fuites dans la presse font monter le suspens. Mais pas assez pour que les salariés se soient mobilisés en masse le 1er mai contre une réforme... dont on ne connaît pas les contours.

L’inquiétude demeure

Cette faible mobilisation populaire ne donne pas pour autant les mains libres au gouvernement. Les inquiétudes collectives sont réelles, qui dépassent largement le dossier des retraites. Les vastes défilés du premier semestre 2009 ne sont pas si loin et nous rappellent que la gravité de la crise économique mondiale génère une lourdeur sociale génératrice de risques politiques. Ils rappellent aussi le rôle régulateur des organisations syndicales, qui se montrent depuis de longs mois plus soucieuses de trouver des solutions que d’allumer des incendies. De façon symétrique, le gouvernement est invité à une attitude de concertation plus qu’à un passage en force. A l’Elysée, le conseiller social Raymond Soubie manœuvre en ce sens, tout comme Eric Woerth, fraîchement nommé Ministre du travail et de la fonction publique, un titre qui donne au même homme - une première historique - la responsabilité d’une réforme d’ensemble.


Dans les entreprises, le climat n’est pas à la mobilisation et à la révolte mais davantage à la résignation et au repli sur soi. Cinq ans après l’ouvrage pertinent de François Dupuy sur La fatigue des élites (Le Seuil, Collection « La République des idées », 96 pages, 2005, 10.50€), Eric Maurin publie à son tour La peur du déclassement. Une sociologie des récessions (Le Seuil, Collection « La République des idées », 96 pages, 2009, 10.50€).


Gouvernement et syndicats sont, dans ce contexte, appelés à co-gérer la crise plus qu’à s’opposer entre eux, face à la vague qui nous menace tous.



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