Pour sortir d'un conflit du travail, il existe d'autres moyens que le recours à la grève. Un peu partout en Europe, les codes de « bonne conduite » et les procédures de médiation ou de conciliation se développent.
Codes de « bonne conduite », instances de conciliation, de médiation, parfois même d’arbitrage se sont développés pour éviter ou freiner le recours au conflit.
En Grande Bretagne : l’ACAS
La démarche britannique est significative. Le gouvernement travailliste, en 1974, crée l’Acas (Advisory conciliation and arbitration service). Cette institution tripartite réunit des représentants des employeurs, des syndicats et des experts en relations du travail. L’ensemble de ses activités est financé par des fonds publics. Le budget actuel s’élève à 50 millions d’euros. Ses interventions sont gratuites. L’Acas compte actuellement 740 salariés.
A l’origine, l’Acas devait favoriser le développement de la négociation collective, procurer des informations et des conseils et enfin concilier les parties en cas de plaintes. L’arrivée du gouvernement Thatcher dans les années 1980 a modifié les priorités de l’Acas. La recherche de « relations harmonieuses » s’est estompée au profit du rôle de conciliation, le gouvernement ayant donné aux employeurs le droit de ne plus reconnaître un syndicat et donc de ne pas négocier, « le nombre de conflits s’est accru ».
Le rôle de l’Acas reste limité à des tentatives de conciliation. Elle ne peut pas imposer son arbitrage, elle doit simplement aider les parties à trouver une solution. La procédure de conciliation engagée à la demande d’une des parties peut être refusée par l’autre. Dans ce cas, l’Acas n’intervient pas. A l’expérience, 35 % des démarches de conciliation le sont à la demande des syndicats, 10 % à celle des employeurs et dans la moitié des cas à une demande conjointe. Selon les statistiques de l’Acas, un accord intervient dans 92 % des cas qui lui sont soumis.
Cette démarche a donc contribué, parmi d’autres éléments, à la baisse significative du nombre de jours de conflit. Ceux-ci sont passés de 12 millions en 1980 à un chiffre variant selon les années de 300 à 500 000.
L’Irlande a créé en 1990 un système tripartite : la Commission des relations du travail (LRC), d’un fonctionnement assez proche de l’Acas britannique.
En Espagne : le SIMA
L’Espagne a une démarche en partie différente. Ce sont les partenaires sociaux, le patronat (CEOE) et les syndicats (CCOO, UGT) qui ont voulu bâtir un système original fondé sur l’autonomie des parties. C’est ainsi qu’a été créé, au début des années 1990, le Service interconfédéral de médiation et d’arbitrage (SIMA). « Il faut quitter la confrontation pour passer à un modèle de relations sociales fondé sur la négociation et le dialogue », déclare alors l’UGT, approuvé par l’autre confédération, également signataire : les Commissions ouvrières (longtemps proches du PC).
Originalité du système, le Sima de création contractuelle est financé par l’Etat qui assume les frais de locaux, de matériels, de déplacement et de personnel. L’Etat assure en outre la mise à jour de la liste des 200 médiateurs agréés.
Grève à Séville en juin 2002
L’accord prévoit que le recours à la médiation est obligatoire dans trois cas :
- lorsque l’une des parties le demande ;
- en cas de préavis de grève ;
- avant toute action en justice.
Il n’y a plus de grève, désormais, dans le secteur privé, sans que les parties en conflit ne s’assoient auparavant autour d’une table. En cas de préavis de grève, le médiateur dispose de trois jours pour tenter de rapprocher les points de vue. Pour les autres conflits, il dispose de dix jours. Les propositions faites par le médiateur peuvent être acceptées ou refusées par les parties. S’il y a un accord des deux, le médiateur rédige un texte qui sera déposé à l’Administration du travail. En cas de désaccord, le médiateur rédige également une note dans laquelle il fait mention des motifs d’opposition invoqués. En aucun cas, le médiateur ne peut imposer son point de vue.
Les parties en conflit peuvent décider, d’un commun accord, de franchir une étape de plus en recourant aux procédures d’arbitrage. Dans ce cas, la solution d’arbitrage s’impose. Il faut donc que préalablement, les syndicats et le patronat s’engagent à respecter la décision d’arbitrage. Le recours ultérieur à la grève est alors exclu. Cette démarche contraignante est peu utilisée.
Autre caractéristique espagnole, l’obligation de recours à la médiation ne vaut que pour les entreprises ou les secteurs professionnels qui ont décidé d’adhérer au Sima. Il est significatif de constater qu’au moment de la renégociation des conventions collectives, les partenaires s’appliquent à faire figurer l’obligation du recours au Sima. Les adhésions sont nombreuses. Les experts considèrent que 80 % des salariés travaillent dans des entreprises qui ont accepté le Sima. Ce système a contribué à transformer les relations sociales en Espagne. Dans les années 1980, ce pays se plaçait en tête de l’Union européenne pour le nombre de journées de grève. Le Sima a permis d’éviter le tiers des conflits collectifs.
Un peu partout en Europe
Des services de conciliation à l’initiative de l’Etat ou des partenaires sociaux existent aussi dans de nombreux autres pays. En Autriche, c’est le Service fédéral de conciliation. Au Danemark existe un Service public de conciliation. En Finlande, le Bureau national de conciliation compte un conciliateur national nommé par le président de la République et cinq conciliateurs régionaux pour les conflits moins importants.
La Grèce distingue le secteur public et le secteur privé : la loi de 1990 a modifié le paysage de la négociation et des conflits. L’office de médiation (Omed) compte 25 médiateurs. Ils opèrent sur une base indépendante. Ces médiateurs sont choisis par un bureau tripartite (patronat, syndicat et l’Etat). Le recours à la procédure de médiation est obligatoire pour le secteur public. Pour le privé, les médiateurs de l’Omed peuvent intervenir à la demande de l’une des parties. Si l’un des protagonistes récuse le médiateur désigné, on procède alors à un tirage au sort parmi les 25 noms que contient la liste. Les parties au conflit doivent fournir toutes les informations dont ils disposent ainsi que les propositions, les partenaires ont 5 jours pour élaborer ses propres propositions, les partenaires ont 5 jours pour les accepter, ou les refuser. Le bilan des 10 premières années de l’Omed paraît très positif, tandis qu’il y a peu de recours à l’arbitrage, beaucoup plus contraignant.
Grève en Allemagne en août 2004
Au Luxembourg, le Comité national de conciliation est présidé par le ministre du Travail assisté de trois syndicalistes et trois employeurs.
Au Portugal, les médiateurs sont nommés par le ministre du Travail.
La Suède, en 2000, s’est, elle aussi, dotée d’un Institut de médiation. Cet institut est chargé de promouvoir de bonnes relations industrielles.
L’Institut peut convoquer les partenaires sociaux en cours de négociations pour participer aux discussions si celles-ci deviennent difficiles. S’il y a un risque de conflit, pendant la période de préavis, l’Institut peut désigner un médiateur, même sans l’accord des partenaires. Le médiateur n’a pas la possibilité d’arrêter une grève ou un lock-out, mais il peut demander à l’Institut d’imposer une période de réflexion de 14 jours maximum avant le déclenchement du conflit déjà notifié.
Au Danemark existe aussi un médiateur d’Etat. Il intervient lorsque les parties en présence n’arrivent pas à se mettre d’accord. Le projet de conciliation qu’il présente doit ensuite être soumis à ratification par la base, tant du côté salarial que patronal.
Dans les pays nouveaux membres de l’Union européenne, des procédures obligatoires de conciliation, médiation et éventuellement arbitrage ont été instituées.
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