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Photo du rédacteurBernard Vivier

Vu pour vous : « Le meilleur professeur »

Une pièce de théâtre a pris pour sujet la crise de l'enseignement en France. Avec audace et talent, cette comédie soulève quelques lièvres sur notre système éducatif.


Le diagnostic de ce qu’il est convenu d’appeler la crise de l’enseignement en France est établi depuis longtemps. Les remèdes aussi sont connus. Certains ministres de l’Education nationale se sont enhardis à vouloir en appliquer certains. Citons René Monory ou Claude Allègre. D’autres ministres - et ils sont nombreux, que nous ne citerons pas - se sont contentés, par crainte, par opportunisme ou par prudence, de ne pas toucher au système, sinon pour lui donner une loi portant leur nom et que les générations de ministres suivants se sont empressés de remplacer par la leur.


La principale difficulté à moderniser l’Education nationale - la deuxième entreprise mondiale, de par ses effectifs (plus de un million de membres) après la General Motors - n’est pas d’ordre technique mais d’ordre politique et culturel. Comment convaincre un système trop fermé sur lui-même (le fameux « monde enseignant ») que l’ère des sociétés endogames est révolu, que le temps des nationalismes catégoriels est néfaste et qu’il lui faut, pour rester fidèle à sa mission de service public, être davantage à l’écoute du monde du travail, de la société et de ses évolutions ?



Le théâtre, outil de débat


Ce débat, qui n’est ni de droite ni de gauche, demande, pour s’ouvrir véritablement, qu’une pression, à la fois compréhensive et exigeante, s’exerce sur le système depuis la société elle-même. Le théâtre est-il un de ces moyens ?


Daniel Besse est un auteur talentueux du théâtre de mœurs. Il avait déjà rédigé en 2001 « Les directeurs », honoré par plusieurs Molière, pièce dans laquelle il se livrait à une féroce description des mœurs au travail, des jalousies, du harcèlement psychologique et des jeux de pouvoir entre dirigeants.


Avec « Le meilleur professeur », le même auteur contribue aujourd’hui à cette sensibilisation nécessaire de la société sur son système éducatif.


La pièce de théâtre prend un peu l’allure d’une fable (les personnages se voient appelés par des noms d’animaux, à la manière d’un Jean de La Fontaine) qui dénoncerait l’impuissance d’agir.


Le proviseur d’un prestigieux collège parisien (joué par l’excellent Philippe Magnan) se trouve, pour répondre à une demande ministérielle, en devoir de choisir le meilleur professeur de son établissement. Celui-ci doit, en effet, participer à une émission de télévision avec onze autres professeurs du pays pour valoriser aux yeux du grand public notre Education nationale.


Sélectionner le meilleur professeur


Choisir, sélectionner le meilleur professeur : voilà bien le terrible devoir de ce proviseur. La pièce de théâtre raconte donc les démarches, les audaces, les reculs, les velléités, la générosité, les ruses, les rivalités, le souci de bien faire de tout l’entourage du proviseur et du proviseur lui-même, bousculés par cette exigence ministérielle. Les professeurs, les militants syndicaux, les parents d’élèves, les élèves, le personnel administratif : aucun des acteurs (un mot ici à prendre dans tous les sens !) du système éducatif n’est oublié.


Le style est vif, les acteurs (de théâtre) sont bons, la comédie est réussie. On pourra peut-être s’interroger sur certaines petites longueurs ou sur la logique d’ensemble des différentes étapes du scenario.


Mais le théâtre n’est pas affaire de rigueur et de logique. Interroger, émouvoir, provoquer, donner par le geste et par la voix de l’ampleur aux choses, éveiller les cœurs autant que les intelligences est une force du théâtre. Daniel Besse l’indique lui-même : « L’Education ! Sujet impossible ? Tant il y aurait à dire, tant il a été dit, et tant il serait difficile de tout dire... Certes ! Mais l’art du théâtre n’est-il pas celui du raccourci ? ».


Cette pièce contribue, comme le précise encore l’auteur, « à la manifestation d’une certaine forme de catharsis sociale qui est le nerf essentiel, la force vive et salutaire du théâtre de mœurs ».

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